JULIETTE BOUTILLIER

JULIETTE BOUTILLIER

Bag Ladies revue Mouvement

th.Juliette BOUTILLIER Jacques DELCUVELLERIE Lorent WANSON Claque de réalité «Rwanda 94», «Les Ambassadeurs de l'ombre» et «Bag Ladies»

 

 

Des tentatives récentes montrent un regain d'intérêt pour la réalité comme source de travail théâtral. Pour preuve, ces trois pièces irriguées par le documentaire, l'actualité politique ou sociale, Rwanda 94, Les Ambassadeurs de l'ombre et Bag Ladies.

 

Comment passer de la réalité au théâtre? La réalité est-elle représentable? Quel traitement lui conférer sur une scène? Plusieurs options existent qu'ont explorées, conservées ou rejetées Jacques Delcuvellerie, Lorent Wanson et Juliette Boutillier.

Juliette Bouteillier qui a retenu la leçon de Kantor sans illusion, la réalité n'existe pas au théâtre. . ., espère un jour retravailler Bag ladies de façon plus épurée et plus poétique qu'elle ne l'a fait lors de la création du spectacle à Bruxelles, au Théâtre Varia. Le traitement final dont elle n'est pas satisfaite avait pourtant beaucoup évolué depuis les répétitions initiales : les comédiennes professionnelles avaient d'abord essayé de se représenter ce qu'est la pauvreté, la précarité morale et matérielle et avaient abouti à des stéréotypes «irrecevables, déontologiquement, politiquement et artistiquement». Par la suite, elles se sont éloignées du happening réaliste pour faire endosser aux personnages de la pièce -les bag ladies, Gabrielle, la passante, les assistantes sociales, l'homme topographe,...- des registres divers, de l'épure au grotesque, qui étaient, il est vrai, mal ajustés. Juliette Boutillier n'est pas parvenue à transcender la réalité comme elle l'aurait voulu.

En héritier de Piscator, Jacques Delcuvellerie a eu recours à la musique live, au choeur parlé, au poème épique, aux projections vidéo,... une profusion de registres fictionnels déchirés par deux moments de réalité, le témoignage de Yolande Mukagasana et la conférence qui explique les tenants et les aboutissants du génocide, donnée par le metteur en scène lui-même. Deux moments où la réalité n'est nullement travestie mais où, au contraire elle s'affirme pour ce qu'elle est, sans fard. Passant de la réalité en train de se représenter sur scène à des moments de pure fiction, Rwanda 94 joue avec maestria de ce mélange.

Dans Les Ambassadeurs de l'ombre qui a vu le jour à Bruxelles, au Théâtre National, Lorent Wanson n'a utilisé la fiction que pour la démasquer. C'est la réalité qui lui importe, une réalité qui est irreprésentable et qui n'a donc d'autre solution, pour se faire voir et entendre, que de venir sur scène se représenter. Voilà pourquoi il a construit le spectacle en trois parties. La première partie est interprétée par des comédiens professionnels selon la méthode Stanislavski. Ils ont façonné trois personnages -l'homme qui sort de prison, la femme alcoolique, le clochard-, autrement dit des imageries que la suite du spectacle s'évertue à renverser. La deuxième partie est portée par les membres des familles qui ne prétendent pas être ailleurs que sur la scène du théâtre où ils sont. Parmi eux, présence confiante, le metteur en scène joue de l'accordéon. La réalité n'est pas représentée, elle est en représentation. La troisième partie tourbillonne en une fête où tous sont réunis et à laquelle est convié le public en une valse rare de l'échange. «Cette création a permis l'ouverture des spectateurs, souvent des intellectuels, à ces gens-là et l'ouverture de ces gens-là au monde, à la réalité culturelle et politique. Ce théâtre n'est ni le mien, ni le leur, mais le nôtre: il est issu de ce croisement des expériences et des savoirs. Pour cette raison, la forme n'est pas là pour cacher le processus mais pour le montrer. L'objet raconte aussi la construction de l'objet. Je crois à cette notion qu'on retrouve dans l'art brut.»

Si ces spectacles singuliers proposent chacun un traitement spécifique de la réalité sur le plateau, de l'irruption de la réalité qui se représente elle-même à la transposition poétique et épurée, en passant par un montage de réalité et de fiction, ils ont en commun de rejeter radicalement la représentation sociologique du réel. Car, constatent les trois metteurs en scène, la représentation réaliste est folklorique, elle favorise le voyeurisme, elle n'est pas juste.

«Ces femmes qui marchent dans les rues et qu'on ne sait comment regarder -certains détournent le regard, d'autres regardent de façon trop appuyée ou regardent à moitié- constituent déjà un spectacle.

 

Sabrina WELDMAN Publié le 01-01-2001 Revue MOUVEMENT



09/09/2018
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