JULIETTE BOUTILLIER

Durant une année, nous avons cherché autour de cette thématique : Friches et chiffres, poids et mesures, comment chiffrer l’indéchiffrable.

« Le littéraire a le regard porté vers le sol, la terre. S’il veut observer la lune, il le fera en regardant son reflet dans la flaque d’eau. Le scientifique pointera une lunette vers le haut… »

Nous avons imaginé un monde sans mesure, vierge de tout instrument à quantifier, de tout chiffres et ce qu'il se passerait si toutes nos références de mesures disparaissaient . Nous nous sommes questionnés :

Comment ferions-nous si tout instrument de précision destiné à quantifier venait à manquer ? Comment réinventer une autre échelle et une autre façon de « mesurer » ? Pourrions-nous rester vierges d’un passé et retrouver une impartialité dans notre façon de donner leur juste valeur aux choses ?

Pourtant, chacun de nous possède les mêmes organes, les mêmes membres, le même corps, mais nous n’avons pas les « mêmes valeurs ».  Nos corps ont peut-être la même densité, mais il y en a qui prennent plus de place que d’autres : est-ce une question de masse, de poids social ou de pouvoir ?

Peut-on mesurer la place que chacun de nous occupe dans ce monde ? Ou plutôt doit-on parler de l’espace que l’on nous accorde ?Peser le palpable, évaluer le matériel, mais comment attraper le lointain ? Peut-on mesurer la distance qui nous sépare de la Lune et s’y rendre ? Si l’on balise son espace avec son propre corps, sera-t-il plus grand que celui du voisin (qui, par manque de chance, est de plus petite taille) ? Chacun a sa bulle d’air, tout dépend de la grandeur du sac plastique que l’on peut se procurer. Et si, par malchance, le sac est troué, notre réserve s’échappe…

Un tas de cailloux, une ficelle, une aiguille, des crayons, des chaînes, un bras, des pieds, nos yeux, nos muscles, la peau, la terre, des boules… sont devenus le terreau inventif aussi bien pour les thématiques d’improvisations que pour rêver et « bricoler » des nouveaux instruments de mesure et d’écriture.

Cet atelier est né d’une rencontre, au hasard d’un stage de formation que j'animais à Aleph portant sur l’écriture radiophonique, avec le désir des participants de poursuivre en créant une forme d'écriture collective où je serais la chef d'orchestre. Chaque personne avait déjà un parcours individuel bien tracé et possédait sa singularité artistique. Ella, Anne et Laure écrivaient des romans et des essais, Ève-Marie du théâtre et des fictions radiophoniques,  Christophe de la poésie et du chant, Caroline des livres d’art et des films, Danièle des nouvelles,Claire des histoires pour petits et grands enfants....

Soit 8 femmes et 1 homme, 

soit 8 écrivains, manieurs de mots et 1 metteuse en mots,

soit 1 signes du taureau, 1 lion,  1 gémeaux, 1 sagittaire, 2 béliers, 1 cancer, 2 vierges, soit 4 célibataires, 3 personnes en couple, 2 mariés,

soit 4 personnes de moins 60 kilos et 5 personnes de plus de 60 kilos,

soit 2 trentenaires, 3 quadragénaires, 4 cinquantenaires

soit 5 instables émotionnellement, 1 hystérique, 1 psychorigide et 2 normo centrés

soit 2 pseudonymes et 7 noms de jeunes filles ou de jeune homme

soit la série 8-1, 8-1, 2-1-1-1-2-1-1, 4-3-2, 4-5, 2-3-4, 5-1-1-2, 2-7

soit 9 entités formant un ensemble où le 0 devient 1, 

Dit autrement :

8 auteurs désireux de s’investir dans un projet original, une expérience d’écriture singulière touchant à la notion de mesure et démesure,

8 auteurs prêts à être dirigés, provoqués, stimulés par une metteure en ondes et en scène,

8 auteurs heureux de quitter pour un moment la solitude de l’écriture pour créer ensemble, dans un geste collectif…

La production d'écrits a été en partie restituée dans une petite forme sonore Indice 37 et des poussières, réalisée par Maria Noce