JULIETTE BOUTILLIER

JULIETTE BOUTILLIER

Au bord de la fenêtre

 

 

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Photographies de Thomas Deron

 

Dans l’espace de l’atelier Soleil Rouge  de Nicolas Desbons à Montreuil sous bois, , l’installation « au bord de la fenêtre » mettait en scène des vieux châssis, des « fenêtres-tableaux » (où ce qui faisait paysage était le bout de mur de l’atelier, l’ombre et la lumière cadrés par le châssis, l’objet récupéré dans l’espace), des cabines de curiosité, un tas sonore...

 

 

 Pour écouter un court extrait de la diffusion sonore in situ, c'est ici :

 

 

 

 

 

 

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Photographie Juliette Boutillier

 

Par la fenêtre, nous prenons des nouvelles du monde. Mais ouvrir une fenêtre, c’est non seulement s’ouvrir au monde, y plonger parle regard, c’est aussi le faire entrer, élargir notre propre horizon. Jadis, la fenêtre, via la peinture, a dessiné les territoires du monde, métamorphosant dans son cadre le pays en paysage. On a cependant négligé que cette fenêtre qui ouvre sur l’extérieur trace aussi la limite de notre propre territoire, qu’elle dessine le cadre d’un « chez soi ».

La fenêtre qui ouvre sur le monde ferme notre monde, notre intérieur. Moi et le monde – ils se croisent à la fenêtre (…)

 

Se pencher sur la fenêtre, ce sera réfléchir sur ce bord où viennent se rencontrer le plus lointain et le plus proche.

 

(…) En grand hommage à l’idiot chinois de la fable qui, quand le maître montre du doigt la lune, regarde le doigt, j’invite donc ici à regarder la fenêtre.

 

(Gérard Wajcman in « Fenêtres, chronique du regard et de l’intime »)

 

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Photographie Juliette Boutillier

 

Les fenêtres sont des objets d’intrigue, de mystère, de fantasme.

Il est inimaginable de construire une maison sans elles. Toute habitation - roulotte, guichet, hôpital, maison, prison, igloo…- se doit d’en posséder une ou plusieurs.

 

Elles sont le seuil véritable entre nous et le monde. Par la fenêtre, on peut faire signe à l’autre sans aller plus loin. Ou au contraire l’ouvrir pour discuter. Elle atténue les bruits du dehors et nous renvoie à notre propre bruit.

 

Par la vitre transparente, nous vagabondons dans le paysage alentour en démurant notre univers. Derrière ce cadre, nous sommes à l’abri, libres de laisser divaguer nos états d’âme.

 

Ces trouées appellent le regard. Elles suscitent l’imaginaire du flâneur, du poète, du voyeur, du photographe.

En surfant sur le net, en ouvrant diverses « windows », on se rend compte de l’universalité du thème : multitude de photographies prises depuis la fenêtre, pléthore de poésies, réflexions  philosophiques, installations artistiques…

 

Aussi banales soient elles, le sujet m’obsède… Ces vitres m’occupent et me préoccupent depuis longtemps.

 

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Depuis plusieurs années, je collectionne les fenêtres. Je les récupère comme d’autres récupèrent d’anciennes boîtes d’allumettes ou courent après le papillon.

Au coin des rues. Sur les bouts de trottoir, je ramasse de vieilles vitres dont les propriétaires se débarrassent.

Objets usés aux châssis délicats, au mastic ramolli, aux vitres fêlées, à la peinture écaillée.

Ma collection a suivi mes déménagements. Elle s’est agrandie au point aujourd’hui d’envahir les pans de murs inoccupés, les parcelles du jardin, l’espace du garage. Tas / assemblage / chapelet de machines à voir trouant mon regard et mon propre espace.

Accumulation hétéroclite de petits et grands châssis. Je suis touchée par la beauté plastique du périssable et par ce que chacun d’entre eux m’évoque.

J’y lis des histoires de salon, de cabinets. J’invente des fictions. Fenêtres de maisons, d’églises, de train, d’ambulance… Et derrière l’objet ramassé, je ne vois plus une fenêtre, mais l’infime frontière située à la lisière entre l’intérieur et l’extérieur. Une vitre tendue comme un écran, un guichet, une vitrine, un pare-brise, une lucarne de prison, d’hôpital… Reflets déclinés entre soi et le paysage cadré…

 

Cette vitre est l’observatoire depuis lequel je regarde le monde extérieur, le défilé des passants… J’y contemple un paysage sans cesse renouvelé, guidé par le hasard, les saisons... C’est tantôt « un toit », tantôt « du ciel », une masse de choses.
La fenêtre offre la possibilité de traduire, de façon imagée, une vision du monde, un point de vue : le regard métamorphose ce qu’il voit à travers le carreau. Le dormant s’offre comme le cadre d’un tableau où l’on choisit selon son tempérament, son état d’âme les éléments du monde que l’on décide de retenir. À travers l’embrasurese fait la métaphore d’un regard poétique qui trie et transfigure le réel.


Ainsi la fenêtre est depuis longtemps mon objet d’intrigue, une frontière entre l’espace public, ouvert, et la
sphère privée où s’épanouissent les sentiments les plus secrets. Peu à peu, cette obsession s’est mue en désir d’une installation sonore et plastique, dans lesquelles des fenêtres détournées en côtoieraient d’autres plus« documentaires ».

 

fen 4 copie.jpgPhotographie Hélène Antoine

 

 

 

 

 

 



11/03/2014
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